En 2019, il paraît que je détenais le record de jours d’embarquement comme skipper à bord du kervegon. Oui, mais le temps a passé avec ses aléas : la crise sanitaire, les épaules qui nécessitent des opérations, les vieux parents qui ont besoin d’assistance, soit 2 ans et demi sans mettre le pied sur un bateau.
Et puis, je suis devenu grand-père… Alors, se contenter de raconter ses souvenirs de navigation à son p’tit fils ou bien reprendre la barre afin de pouvoir lui faire découvrir les joies de la plaisance lorsque le bébé sera devenu un p’tit moussaillon ? Il faut ressortir le sac de mer…
Cependant, ce lundi 9 mai 2022, au port du Crouesty, même si les feux étaient au vert (un voilier bien réarmé avec une GV toute neuve, un ami et aspirant skipper comme équipier, une météo en or), j’éprouvais une certaine appréhension en arrivant au Crouesty.
Mais, pas le temps de se poser des questions métaphysiques, car à peine arrivés sur le ponton visiteurs, les propriétaires des trois voiliers à couple du Kervegon attendaient impatiemment notre départ…
Avec Jean-Yves, on laisse notre brouette bien chargée sur le ponton, on monte à bord du Kervegon : ouvrir la porte et les coffres, ouvrir les coupes circuits, ouvrir la vanne de refroidissement du moteur (les réflexes ne sont pas oubliés…), mais quid de la clé du moteur qui devrait se trouver justement sur cette fameuse vanne. Premier stress. Jean-Yves trouve le double dans la table à cartes. Le moteur démarre au quart de tour et chauffe pendant qu’on se prépare à larguer.
Tout se passe bien, manœuvre réussie, nous nous amarrons au ponton et retrouvons la clé principale (rangée différemment de l’habitude)
Avitaillement du navire, installation du radeau de survie (que nous rapportions de révision), journal de bord, carte marine, règle Cras, instruments, VHF, préparation de la GV, brassières de sécurité, etc… et nous quittons le port.
Essai radio avec le sémaphore de St-Julien : fort et clair !
Navigation à l’ancienne, c’est la meilleure façon de retrouver ses marques. De toutes façons, les outils numériques ne fonctionnent pas : la tablette est complètement déchargée et l’application de mon smartphone refuse de démarrer.
La mer est plate, le soleil brille et un petit vent de SW nous permet de franchir le passage des Béniguets au moment de la renverse et d’atteindre Le Palais sur un seul bord. Amarrage dans l’avant port dans une atmosphère de vacances en hors saison. On débriefe en soirée à la terrasse de « La Godaille », ce bar typique de Belle-Île-en-Mer… Première journée de navigation réussie.
Mardi 10 mai, le vent faible à viré au NW, la mer est plate, nous tirons de longs bords pour nous rapprocher de la cardinale Nord de la pointe des Poulains en début d’après-midi. Le secteur est mal pavé avec les rochers qui affleurent et j’éprouve un coup de stress car je ne vois que les brisants… L’électronique n’est toujours pas opérationnelle. Je refais le point, on affale et descendons un peu sud, pour trouver la passe qui donne accès à la petite plage des Poulains. On mouille. Je reste en veille à bord tandis que Jean-Yves s’équipe et plonge. C’est la saison des araignées mais que nenni. Jean-Yves en profite pour vérifier la quille, le safran et l’hélice.
Nous repartons tranquillement pour aller s’amarrer avant arrière (embossage) dans l’avant port de Sauzon. Nous recevons à bord un ami de Jean-Yves, Baptiste, un îlien pur jus qui ne tarit pas d’éloges sur le mode de vie à Belle-Île-en-Mer. Deuxième journée réussie.
Mercredi 11 mai, la tablette fonctionne sur le logiciel OpenCPN, le soleil brille toujours mais la mer est agitée et le vent forcit avec des rafales à 5 Beaufort. Nous prenons un ris pour rester confort en équipage réduit et filons déjeuner à Hoëdic, en empruntant le passage des Sœurs. Les courants ne sont pas à négliger, pour preuve le voilier qui s’est retrouvé sur les cailloux au NE de l’entrée du port de l’Argol. La SNSM est sur place, un canot le tire peu à peu de là, profitant de la marée montante.
Nous nous amarrons sur la tonne N°2, et à couple d’un voilier Néerlandais.
Pique-nique, micro-sieste et cap direct sur Le Crouesty pour une arrivée en douceur. Troisième journée réussie. Tentative vaine de remettre en route mon application Navionics.
Jeudi 12 mai. Nouvelle tentative, et mon appli fonctionne, il fallait juste créer un compte ! Cela conforte Le cap’taine car nous avons décidé de « faire » le golfe du Morbihan. La météo est au top, les coefficients sont encore faibles. Nous respectons les instructions nautiques (c’est une première pour moi en qualité de skipper) et rentrons au moment de la renverse (1h15 après la basse mer de Port Navalo). Nous avons relevé la quille et naviguons pour l’essentiel au moteur( vent très faible de nord). Pas de problème particulier, mais la navigation nécessite de passer sans arrêt de la table à carte à l’observation visuelle du balisage. Cela laisse peu de temps pour profiter de la beauté des paysages exceptionnels. Nous bénéficions cependant d’un court moment de répit, moment magique dans un silence surprenant, lorsque nous pouvons naviguer à la voile à proximité de l’île d’Arz. Puis le balisage « s’inverse »après l’île de Lern au fond du Golfe. Nous prenons un mouillage sur coffre près de l’entrée de la rivière de Vannes pour déjeuner, avant de faire étape à l’île aux Moines. Du ponton visiteur, nous devons utiliser l’annexe pour rejoindre la terre. Le constat est sans appel, la liaison boudin tribord avec le tableau arrière est presque entièrement décollée. Nous parvenons tout de même à visiter ce site merveilleux. Quatrième journée réussie.
Vendredi 13 mai, nous terminons le tour du Golfe, traversant les fameuses « marmites » de courants pour rejoindre en fin de matinée le Crouesty, afin de procéder à la remise en état indispensable de l’annexe. Le port est « blindé », mais je négocie une place au ponton au fond plan d’eau (Kervegon ne repartira que dans une semaine) et nous avons la bonne surprise de rencontrer Sarah (fille de Jean-Yves et skippeur de kervegon) qui fait escale à bord d’un voilier de l’école des Glénans. Elle viendra nous retrouver avec Bénédicte, une autre stagiaire chef de bord, qui aspire à naviguer avec BCC. Une belle rencontre entre deux générations de marins…
Nous terminerons tardivement le rangement du navire, mais cette cinquième journée est réussie.
Le cap’taine a donc repris une saison de navigation et vous l’aurez compris, skipper le Kervegon, c’est comme faire du vélo, ça ne s’oublie pas…
Alain Louche, le 20 mai 2022