Mercredi 3 août, 21H40 : Kervegon franchit la porte basculante du port de plaisance. Le ponton visiteur est face à nous. Malgré l’heure tardive, il y règne une agitation inhabituelle. Des personnes présentes nous indiquent une place libre, catway à bâbord, et nous invitent à nous y amarrer. Un voilier, juste en face, arbore un calicot sur lequel est inscrit « Bravo Yann ».
De l’autre côte du catway est amarré un drôle de voilier, de 4 m. de long, doté d’une voile sur mat à enrouleur. Des poules sont peintes un peu partout, sur le tableau arrière, sur le roof. Y aurait-il un rapport avec la poule Monique ? (1)
Le lendemain matin, en allant chercher les croissants à la boulangerie Hamon (maison fondée en 1926), je suis frappé par le titre en une du Télégramme : Voile : Yann Quenet est de retour. La photo qui accompagne l’article ne laisse aucun doute : le bateau à côté de Kervegon, Baluchon, est bien celui de Yann Quenet.
Après une première tentative de tour du monde sur un micro-voilier, qui s’est soldée par un naufrage au large de Lisbonne (2015), Yann s’est remis au travail dans son atelier de St Brieuc. Tirant les leçons de sa première expérience, il conçoit un bateau de 4m, renforcé par rapport au premier, et doté du strict minimum, pour un budget contraint de 4000 euros. A bord, des bidons étanches pour stocker la nourriture (beaucoup de nouilles chinoises, faciles à cuire, des fruits au sirop, des graines), des bidons d’eau (90L).
Et pour naviguer ? Deux petits panneaux solaires alimentent deux batteries. Principaux usages : un pilote automatique (doublé par un régulateur d’allure), de quoi alimenter son détecteur AIS, assurer l’éclairage, et la recharge de son smartphone et de sa liseuse. Son smartphone est tout à la fois son unique lien avec la terre (quand il y a du réseau) et son stock de musiques enregistrées. Sa liseuse, avec ses 7000 titres enregistrés est sa principale distraction.
Mais revenons à son périple. Nous avons rencontré Yann le surlendemain de son arrivée à Trébeurden. Il valait mieux, car son exploit a suscité un engouement médiatique, attirant sur l’eau et sur les pontons, des dizaines de journalistes. Même son ami Olivier de Kersauzon, rencontré lors de son escale à Tahiti, a fait le voyage depuis Paris pour l’interviewer. Parti de Horta (Açores) où il a laissé comme le veut la tradition le logo de Baluchon, le mardi 12 juillet, il aura rallié Trebeurden en 22 jours.
De la même façon, il a traversé l’atlantique, des Canaries à La Guadeloupe en 29 jours.
Kervegon double Baluchon au large de Perros-Guirec.
Baluchon :
Architecte-constructeur : Yann Quenet Carène de scow, parfaite pour le tour du monde par la route des alizés
Longueur 4m.
Surface de voile : 11m2.
Poids du mat carbone et de sa voile dacron : 7kg.
Vitesse max 6nds.
Vitesse max sous pilote 4nds.
Barre intérieure et barre extérieure. Moteur: un superbe aviron sculpté de 3,50 m.
Galerie photos.
Un intérieur spartiate. Notez le Rubik’s Cube.
Retrouvez les photos de la construction ICI.
Par Jacques Rouxel
Photos : Jeanine SAM CAM, Jean-Yves CHARRIER et l’auteur.
(1) Guirec Soudée, navigateur costarmoricain et sa poule rousse Monique, ont fait un tour du monde de 5 ans, en passant par le passage du Nord-Ouest et après avoir hiverné dans la banquise.
« Le Tour du monde avec mon Baluchon » à paraître le 10 novembre, aux éditions du Cherche Midi.