Le trésor du capitaine Yviquel

Le capitaine Yviquel, qu’on imagine forcément avec un grand chapeau noir, un anneau à l’oreille et un bandeau sur l’oeil, était assurément très malin et doté d’un sens de l’humour non négligeable. Les richesses amassées lors de ses longs voyages sur les cinq mers du globe sont restées introuvables pendant des siècles, jusqu’à ce qu’on retrouve dans une sombre taverne du port de Kercabellec, une mystérieuse carte de la baie de Merquel avec des indications concernant 3 bouées :

Bouée n°1 : Je quitte Lanséria direction l’arctique, l’indice se trouve où j’ai pied à marée basse si je mesure plus d’un mètre.
Bouée n°2 : Si je pars de la basse du Joli Coin et que je navigue à 7h30 sur 9115 pieds, quand je vois la marque Nord de l’invariant à l’ouest, je suis arrivé.
Bouée n°3 : Dionysos, du haut de son île observe la perche du Ponant et s’arrête à mi-chemin.

Il n’en faut pas plus pour qu’une flottille composée de 3 yoles de BCC, s’engage dans cette course au trésor. Sur ces 3 bateaux (Bougness, Port Lavigne et Balahoule) ont embarqué une douzaine de marins, des vieux loups de mer, mais aussi de solides rameurs, tous motivés par l’aventure. Les bateaux sont mis à l’eau sur la cale du port de Kercabellec, à marée haute, la veille du départ et amarrés dans les souilles pour la nuit.

Mais ils n’étaient pas les seuls, car un vingtaine d’autres bateaux avaient eu vent de l’histoire. Deux grandes yoles de Bantry avec leurs dix rameurs et leurs trois voiles, un sardinier de Douarnenez, un bateau du Havre, un barque du pays basque et bien d’autres… bref la compétition s’annonçait rude.

Tout ces braves matelots étaient sur le pont de leurs vieux gréements à 6h30 le lendemain pour rejoindre la pointe de Merquel, avec un magnifique lever de soleil sur l’eau. Puis ils se sont gaillardement élancés de la pointe de Merquel en profitant de la marée qui commençait à descendre, à la voile pour certains, aux avirons pour les autres, en fonction de la bouée par laquelle ils avaient décidé de commencer. Et c’est là que BCC a fait preuve de génie en jouant le collectif : chacune des yoles avait en charge une bouée. Balahoule sur la bouée 1, Bougness sur la bouée 2 et Port Lavigne sur la bouée 3. Il ne restait plus qu’à élucider les trois indices pour localiser les bouées et c’est là que nos marins ont commencé à mesurer l’esprit facétieux du fameux capitaine Yviquel. Pas de Joli Coin sur la carte mais une pointe nommée Beaulieu, pas d’île Dionysos mais un gros caillou appelé l’île à Bacchus, l’arctique pour le nord, le Ponant pour l’ouest, … ces énigmes n’ont pas résisté longtemps à la sagacité de nos trois équipages. Sur les trois bouées, de simples perches avec flotteur presque invisibles sur la mer, étaient accroché un document avec un nouvel indice.

Bouée n°1 : un parchemein déchiré avec des coordonnées marines incomplètes avec un texte « Moi, capitaine Yviquel, je lègue mon bien le plus précieux, vous le trouverez au 47°25,1 et 2°28,0 au croisement ».
Bouée n°2 : le dessin de la façade de la capitainerie de la pointe de Merquel et un drapeau « Port de Kercabellec-Merquel ».
Bouée n°3 : le dessin d’une ancre avec un drapeau bleu-blanc-rouge.

Sur les deux dessins un trait en pointillé rouge semble indiquer un alignement et sur chaque document, un court texte, dont le thème est la mer, qui a laissé tous les équipages perplexes et donné lieu à toutes les interprétations possibles.

Texte 1 : « La mer est salée parce qu’il y a des morues dedans. Et si elle ne déborde pas, c’est parce que la providence, dans sa sagesse, a placé aussi des éponges ! » Alphonse Allais.

Texte 2 : « Plus que mon Loir, que le Tibre Latin, Plus mon petit Liré, que le mont Palatin. ET plus que l’air marin la douceur angevine. » Joachim Du Bellay.

Texte 3 : « Quand un cachalot de 45 tonnes vient de tribord, il est prioritaire. A bien y penser, quand il vient de bâbord aussi ! » Olivier de Kersauson.

Ayant mis en commun leurs découvertes et localisé les trois indices sur la carte, nos chasseurs de trésor ont vite compris que ce diable d’Yviquel nous obligeait à revenir au point de départ,… quelque part devant la capitainerie. Mais entre temps, la lune avait tourné autour de la terre et c’était marée basse donc impossible de revenir au port. Les trois yoles ont beaché (Yviquel n’aurait sans doute pas compris ce mot ! ) sur la plage de Sorloc, sorti les ancres et nos marins ont traversé la presqu’île à pied pour se retrouver à la capitainerie.

Evidement BCC avait au moins une heure ou deux d’avance sur les concurrents, tout semblait facile, une histoire d’alignement entre la grande ancre devant le port et la façade de la capitainerie, bref nos équipages pensaient déjà avoir gagné la partie, « Yviquel ton trésor est à nous ». Il suffisait de creuser à l’intersection des alignements. Et pour creuser, ils ont creusé sur des mètres, à main nues, animés par la fièvre du trésor. Mais une fois la zone identifiée entièrement retournée (les pêcheurs à pieds ne reconnaissaient plus la plage !), la désillusion commença à s’installer et la faim a fini de démotiver les moins acharnés. C’est alors que les autres concurrents sont arrivés. Mêmes déductions , ils ont continué à creuser au même endroit, encore plus profond que nous, mais toujours rien…

Tout le monde se trompait, il fallait reprendre les indices, relire les textes, changer de point de vue. Personne n’était d’accord sur l’importance à accorder à ces quelques lignes plutôt sibyllines (De Kersauson et ses cachalots, Du Bellay et sa douceur angevine, Alphonse Allais ses éponges et ses morues) : nouveaux indices cachés, fausses pistes, Yviquel était capable de tout.

Pour finir, et malheureusement avant BCC, l’équipage du bateau de Douarnenez a eu la présence d’esprit d’inclure les drapeaux dans les alignements et de considérer les trois textes comme des fausses pistes, donnant alors un nouvel endroit à creuser sur la plage, éloigné seulement de quelques mètres du premier alignement. Et c’est là, qu’enfin, ils ont trouvé le coffre, non sans mal car il avait été enterré de nuit et l’alignement était du coup plutôt imprécis . Et dans le coffre, muni comme il se doit d’une ouverture secrète : 2 bouteilles de rhum vieux !

Sacré Yviquel, il nous aura bien mené en bateau ce bougre.

2 réflexions sur “Le trésor du capitaine Yviquel”

  1. Belle aventure effectivement ! lot de consolation pour BCC : Premiers aux concours de chants de marins, second à celui de matelotage
    Bravo à tous
    Merci Yviquel !

  2. Bravo pour l’idée de cette course au trésor et surtout pour sa réalisation effective !
    Juste un petit redressement du texte de du Bellay, pour qu’il puisse poursuivre sans trouble son sommeil ligérien : « Plus mon Loire gaulois, que le Tibre latin… » Mais d’autres marins auront modifié d’eux-mêmes !

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