Ce week-end de début juin, je pensais naviguer mais la sortie s’est transformée en opération commando pour réparer l’enrouleur de génois du Kervegon.
C’est un mal pour un bien, car aucun équipier, ni même un aspirant skipper, ne s’était inscrit. Avec les années, je ne m’étonne plus de rien !
Le week-end précédent, le tambour, sur lequel s’enroule la drosse (le bout) permettant de réduire ou d’enrouler la voile d’avant depuis le cockpit, était remonté en partie au-dessus de son noyau support et nous n’avions pas trouvé les ressources pour réparer.
De retour à Bouguenais, je lançais un premier appel dès le lundi auprès du Comité Directeur pour trouver une équipe afin d’aller à minima procéder à un démontage. Appel resté vain.
Le vendredi, de retour d’un déplacement personnel, en ayant gardé à l’esprit cette préoccupation, je lançais cette fois-ci un « PAN PAN » afin de trouver des personnes ressources en vue de nous rendre le samedi au Crouesty, en précisant que j’assurerai le transport et le casse-croûte ! Message cette fois-ci envoyé à tous les adhérents… Deux seuls retours par des copains non-dispos.
C’est toujours un peu décevant, mais je ne lance la pierre à personne, car moi-même, par exemple, je ne me suis investi que tardivement sur les travaux d’hivernage du navire.
Cependant, mû à la fois par la dynamique impulsée par Colombe Tessier pour relancer le secteur Voile-Océan et par le principe selon lequel un skipper, qui est exonéré du droit d’embarquement, doit tout mettre en œuvre pour assurer la continuité de la saison de navigation en cas d’avarie, j’ai fait chauffer mon téléphone, bien décidé à tout tenter avant de recourir à un prestataire.
Les liens d’amitié et leur attachement à notre association m’ont permis de mobiliser trois adhérents, un vieux sage pour son expertise sur la mise en sécurité du gréement et deux mécanos de marine pour leurs compétences techniques.
Ainsi, samedi 1er juin, à 7h30 pétantes, j’embarquais à bord de mon petit van Scudo Jean-Yves Charrier et Jean-Pierre Biton. Avec une bonne caisse à outils dans le coffre et quelques réserves dans le frigo du bord. Pas question de faire la fête mais c’est important de « soigner » les troupes. Vers 9h, nous retrouvions Alain Rouault sur le port du Crouesty.
Une fois sur le bateau, j’ai sorti la thermos de café pour la mise en condition, faire le point et lancer les hostilités. On a déroulé et affalé le génois que l’on a plié et rangé dans la cabine avant. Puis on a sécurisé le gréement en frappant la drisse de spi sur l’étrave. On l’a étarquée fort et parallèlement, on a détendu le pataras prudemment car on ne connaît pas la longueur de filetage disponible. C’est facile quand on regarde les consignes dans un bouquin de voile, plus délicat sur le tas. C’est pourquoi la présence d’Alain était rassurante (en tous cas pour moi).
L’étai étant ainsi molli, on l’a désaccouplé en retirant la goupille puis l’axe qui fixe le bas des lattes sur l’étrave. Attention, il ne fallait pas laisser tomber une pièce dans l’eau du port (même si Jean-Yves est aussi plongeur). On a placé toutes les petites pièces dans un seau…
On a fait passer le tambour par-dessus les filières pour le ramener au-dessus du ponton. Puis on a retiré l’axe (un boulon avec écrou frein) raccordant à la fois le haut des lattes, l’œillet de l’étai et le bas de l’enrouleur. Ensuite, on a démonté sans difficulté la vis de fixation qui maintient la partie supérieure (le nez) sur le tube d’enrouleur, et enfin on a sorti l’ensemble du mécanisme.
Il fallait bien que ça arrive, la petite pièce en plastique qui faisait la liaison et qui n’était plus maintenue, est tombée à l’eau. Gast ! Il s’agit d’un « bouchon » en deux paliers.
Nous avons ensuite nettoyé au mieux les différentes pièces avec du gazole (on a sacrifié une boîte alimentaire du bateau et la brosse à dents que j’avais avec moi). Tout ça pour constater qu’on ne pouvait rien faire de plus sur place. On a sécurisé le tube d’enrouleur avec l’étai sur le rail de fargue. Puis Alain Rouault est reparti de son côté.
C’est là que le vent a tourné !
Passant par la case sanitaires pour nous dégraisser les mains, on a poussé jusque chez le shipchandler, à la recherche du bouchon en plastique, en lui expliquant nos soucis. Celui-ci nous a invités à nous rendre chez le gréeur qui se trouve dans la zone artisanale du Redo à moins d’un km. Il était alors 11h30. Fissa, on a trouvé la boîte et un gars super sympa. Avant même de lui avoir précisé qu’on était en association, il nous a fait cadeau d’un bouchon plastique neuf. Poursuivant le dialogue, il nous a précisé que ce n’était pas réparable (c’est monté et graissé à vie en usine) puis il a trouvé dans son stock de pièces usagées un tambour d’enrouleur quasi identique, (un FACNOR LX 130 au lieu d’un LS 130), en bon état de fonctionnement, qu’il nous a offert gracieusement. Je lui ai fait cadeau des deux bouteilles de vin que j’avais emportées dans mon van… Le gréeur demeure néanmoins un commerçant. Il nous a indiqué les prix des pièces neuves, le délai de livraison, nous précisant qu’il nous ferait 10 à 15 % de remise si on voulait du neuf…
Nous sommes rentrés casser la croûte au bateau et nous avons attaqué le remontage.
Bien entendu, malgré les apparences, ce n’était pas tout à fait le même modèle, il fallait faire preuve d’imagination. Il y avait aussi deux vis cassées qui dépassaient du tambour. Elles serviront finalement d’ergot. Nous avons réussi à remontrer le tout en doublant la flasque supérieure (avec une flasque du tambour d’origine) car les vis étaient un peu trop longues.
Nous avons replacé l’ensemble des pièces sur le tube d’enrouleur. Restait à remettre en place l’axe permettant de frapper le tout sur l’étrave.
C’est là que ça s’est corsé. Il manquait 1 cm. On a étarqué encore plus la drisse de spi, on a desserré encore plus le pataras en serrant les fesses (pourvu qu’il reste suffisamment de longueur de filetage avant qu’il ne se décroche). On s’est aidé d’un bout pour tirer le tambour vers le bas. Nous n’étions pas trop de trois.
Ouf, c’était gagné…
Restait à regréer le génois, puis à installer la drosse et à faire des essais.
Coup de chance, le vent réel était faible et bien orienté.
Une fois le génois en place, quelque chose clochait, la bande anti UV était cachée. Il a fallu enrouler la drosse dans l’autre sens… Enfin, tout fonctionnait parfaitement.
Mais comme l’on disait jusqu’en 1968, c’est un montage SGDG, « sans Garantie Du Gouvernement ». En effet ce tambour d’occasion ne tient plus que par deux vis au lieu de quatre. Les avis sont partagés. Faire la saison comme cela ou bien commander au plus vite des pièces neuves ?
Présentement, nous sommes rentrés heureux d’avoir pu réparer et d’avoir partagé un moment fort chaleureux. Le Kervegon peut reprendre la mer.
Rappel d’utilisation d’un enrouleur : La drisse de génois doit être étarquée mais sans excès et l’on ne doit pas utiliser de winch pour tirer sur la drosse…